
Demeure 10, une sculpture monumentale d'Etienne-Martin
Installée dans le parc de Bercy au fond du jardin Yitzhak Rabin au centre d’un bassin recouvert de nénuphars, Demeure 10, sculpture monumentale en bronze créée par Etienne-Martin (1913-1995) en 1968, appartient à la série des Demeures débutée en 1954.
Cette série évoque la maison natale de l’artiste à Loriol dans la Drôme, maison qu’il a été obligé de vendre en 1945 au décès de ses parents.
Ce choc affectif a profondément modifié l’orientation de son œuvre passant d’une statuaire figurative axée à une sculpture plus centrée sur l’environnement tout en poursuivant son étude du corps et du visage humain . Il avait choisi la sculpture "parce que je n'étais pas foutu de faire autre chose (...) Et plus sérieusement parce que la sculpture est quelque chose que l'on peut attraper à bras-le-corps, embrasser, autour de laquelle on peut tourner, à l'intérieur de laquelle on peut évoluer, à l'intérieur de laquelle on peut éventuellement pénétrer", expliquait-il dans un entretien à Libération en 1992.
Expérimentant la matière, bois, pierre, plâtre, utilisant des matériaux étrangers, jusque là, à la sculpture comme le tissu, Etienne-Martin a développé une pratique singulière très personnelle marquée par le goût de l’énigme.
Figures méditatives, compactes, repliées prenant naissance à travers une technique de taille directe de la matière, les sculptures d’Etienne-Martin constituées de formes pleines creusées sont les morceaux d’un puzzle reflet de l’intériorité de l’artiste procédant d’un échange intérieur extérieur qui met en parallèle la fois la charge rituelle du traitement des matériaux et la mythologie personnelle de la maison perdue. La statuaire monumentale devient elle-même un environnement. Prolongement d’une vision architecturale, la série des Demeures comporte vingt sculptures habitats de différentes tailles, conçues pour être visitées, pour déambuler, s’asseoir, les parcourir en flânant ou bien trouver refuge en leur sein.
Façades accidentées et réminiscences tribales, en 1960, alors qu’elles étaient en plâtre, les Demeures sont coulées dans le bronze acquérant une dimension pérenne. Dialogue intérieur extérieur, ces œuvres formulent matériellement une réflexion poussée sur l’architecture mentale, une quête spirituelle complexe dont la matière des souvenirs d’enfance suggère la nostalgie de la mère à travers une démarche cathartique, autobiographique marquée par la perte de la maison natale. "Une chose obsessionnelle, liée à ma vie propre, sans plus et sans moins. Un jour, j'ai été obligé de me séparer de ma maison, là où j'étais né, et j'en ai été choqué et peiné. Mais elle est restée tellement présente en moi que j'ai eu le désir de l'explorer (...) En travaillant sur ce thème, j'ai retrouvé la forme, la lumière, les gens, tout ce qui constituait l'âme de cette maison." Source
Toujours intégré aux Jardins, retrouvez Personnages III, datant de 1967 aux Jardins des Tuileries : Initialement tailles dans le bois, ces trois personnages, témoignent des recherches menées par Etienne Martin sur les representations anthropomorphes, inspirées par les formes végétales et organiques. Le tronc de l'arbre, avec ses creux et ses arrondis est ici assimile au corps humain. Ces trois figures, telles les Demeures, jouent sur les creux et les pleins et invitent par la meme a être parcourues pour y confronter son propre corps ou y trouver refuge. La version destinée au jardin des Tuileries a été fondu en bronze par la fonderie Coubertin. Cette oeuvre appartient au FNAC qui en a assure la fonte grâce a une donation de Madame Marie-Therese Martin. Source
Retrouvez dans la série des Demeures, Demeure XI ou la XXIème lame du Tarot
De nombreuses sculptures par Etienne Martin sont visibles au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris ; une exposition lui a été consacré en ce lieu en 2010.
Retrouvez la biographie de l'artiste : A la rencontre d'Etienne Martin